Message de rentrée aux personnels de l’académie d’Aix-Marseille

A tous les personnels de l’académie d’Aix-Marseille,

Chers collègues,

Action & Démocratie CFE-CGC Aix-Marseille vous souhaite une bonne rentrée 2022.

Nous espérons que vous avez passé de belles vacances, que vous avez pu vous ressourcer et faire provision d’énergie et d’optimisme avant de retrouver le chemin des classes ou du bureau.

Stagiaires:

Qui dit rentrée dit stagiaires, auxquels nous souhaitons tout particulièrement la bienvenue.

Chers collègues stagiaires, vous avez réussi les épreuves d’un concours difficile dont on remet aujourd’hui en cause l’utilité, y compris au plus haut niveau de l’État. Ce concours est cependant le gage de votre compétence, à laquelle il ne manque que l’expérience qui s’acquiert tout au long d’une carrière, y compris pour les plus chevronnés d’entre nous : enseigner est un métier que l’on ne cesse d’apprendre, et le plus beau métier du monde quand les conditions pour l’exercer convenablement sont réunies.

Nous avons pensé à vous, chers collègues stagiaires, et vous trouverez ci-dessous le lien menant au Guide du stagiaire que nous avons spécialement réalisé à votre attention. Vous y trouverez tous les conseils concernant la formation, la titularisation, les salaires et primes, les aides financières, le reclassement, les mutations, etc.

Cliquez sur le lien : https://actionetdemocratie-aixmarseille.fr/le-guide-du-stagiaire/ pour y consulter toutes les informations qui vous concernent.

Année scolaire 2022/2032, tout change ou rien ne change ?

Rêvons d’un monde parfait :

tout se passe bien dans l’Éducation nationale, les élèves bien éduqués viennent s’instruire sagement dans nos cours ; la solidarité et la bienveillance règnent entre pairs à tous les échelons de l’institution ; il n’y a pas de querelles individuelles car, en toute intelligence, chaque personnel de la chaîne hiérarchique n’agit que dans l’intérêt du service et non par ambition personnelle ou ressentiment, justifié ou pas, envers tel ou tel ; chaque personnel reçoit un salaire qui, en fonction du coût de la vie, du logement, etc. lui permet de vivre décemment ; etc.

Dans ce monde parfait, nul besoin d’un syndicat, nul besoin de défendre les personnels ni de combattre des réformes qui, sous couvert d’ « innovation », de « réussite de tous », d’ « inclusion », etc. ne sont souvent que des réformes budgétaires, des faux-semblants ou du bricolage sans ambition ni vision d’ensemble qui tirent les élèves vers le bas, qui épuisent et découragent les personnels, qui précarisent les emplois, qui donnent lieu à plus de violence institutionnelle, et j’en passe.

Redescendons sur Terre,

La nature humaine est ce qu’elle est et la perfection n’existe pas.

Cela dit nous sommes acteurs de notre vie et de nos métiers.

Même si la morosité se répand, tout n’est pas perdu.

En décembre prochain auront lieu des élections professionnelles qui peuvent changer la donne et vous permettre de vous faire entendre enfin, un choisissant d’être représenté par un syndicat neuf, avec une voix différente. Action & Démocratie est ce syndicat, qui ne cesse de croître là où d’autres s’essoufflent et ne sont plus crédibles.

Ceci n’est pas dû au hasard : nous ne nous contentons pas de lancer des slogans dans le vide ou des appels à des grèves sans lendemain qui n’aboutissent à jamais rien et leur ont fait perdre tout sens. Action & Démocratie se bat au quotidien et gagne. Nous prenons acte que le combat pour nos intérêts individuels et collectifs doit se mener sur tous les terrains : le terrain juridique, le terrain médiatique, le dialogue ferme et sans concession avec des autorités qui finissent par se ranger à nos vues quand elles ont compris que nous n’étions pas animés par le ressentiment ou l’idéologie mais le souci du bien commun et le pragmatisme.

Action & Démocratie se bat au quotidien et gagne : nous venons d’obtenir une grande victoire devant le Conseil constitutionnel qui a déclaré contraire à la Constitution le privilège donné au syndicats dits « représentatifs » (selon la loi) d’être les seuls à pouvoir accompagner les collègues qui voulaient contester une décision de l’administration concernant leur affectation, leur avancement ou leur promotion, toutes choses qui ne sont plus du ressort des commissions paritaires.

Les commissions paritaires ont en effet perdu, depuis la loi de 2019 sur la transformation de la fonction publique et la simplification du dialogue social, la plupart de leurs attributions, celles que certains syndicats mettaient abusivement en avant en faisant croire qu’ils étaient incontournables et indispensables à la satisfaction de vos vœux ou l’obtention de votre avancement.

Ils n’ont même pas levé le petit doigt pour défendre ce que d’aucuns appelaient non sans raison leur « fonds de commerce » ! Ces choses sont désormais entièrement gérées par l’administration, mais vous pouvez faire des recours et vous faire accompagner par le syndicat de votre choix.

Action & Démocratie ne ménage pas ses efforts pour accompagner et défendre les personnels avec intelligence, et nous arrivons à les sortir de situations ubuesques et surréalistes face à une machine sourde et aveugle qui frappe n’importe qui si on la laisse faire, mais que l’on peut arrêter en faisant le pari de l’intelligence.

Personne n’est à l’abri d’une telle situation, il faut en être conscient. Un courrier de parents d’élèves au rectorat, une hiérarchie qui vous prend en grippe du jour au lendemain, n’importe quel prétexte peut servir à vous pourrir la vie, vous faire convoquer de manière arbitraire et vous exposer à des griefs infondés et des procédures disciplinaires sans objet.

Seuls, vous serez écrasés sans pitié et, à moins d’être un juriste hors pair, serez balayés d’un revers de main par ceux en qui vous aviez placé votre confiance.

C’est pour cela qu’il faut être solidaire, c’est pour cela qu’il est important de vous syndiquer et de bien choisir vos représentants lors des prochaines élections professionnelles.

AESH:

Nous sommes aussi particulièrement attentifs à nos collègues AESH et aux conditions dégradées dans lesquelles ils se trouvent depuis la mise en place du PIAL.

Nous vous donnons le lien vers le guide des AESH que nous vous invitons à consulter, que vous soyez AESH ou pas afin de pouvoir le leur transmettre :

Cliquez sur le lien

https://actionetdemocratie-aixmarseille.fr/wp-content/uploads/2022/07/AD_Guide_Des_AESH_05-2022_complet-3.pdf.

Une version papier sera diffusée dans les prochains jours. Les AESH doivent pouvoir compter sur la solidarité de tous les collègues pour faire valoir leurs droits, notamment quand il s’agit de déterminer le nombre d’heures dont bénéficient les élèves concernés par l’accompagnement, et qui est fixé par les MDPH : la voix des enseignants peut alors peser. Action & Démocratie prendra ses responsabilités et se tient résolument aux côtés et à disposition des collègues AESH.

AED:

Nous pensons aussi enfin à nos collègues AED qui, à partir du 1er septembre 2022, s’ils ont six ans de service, seront employés en CDI. C’est déjà une petite avancée dans cette fonction en manque de reconnaissance. Nous ne les oublions pas et nous les défendrons pour que cet emploi puisse devenir un vrai métier. Nous les invitons à nous contacter pour développer le pôle AED au sein d’Action & Démocratie.

Pour tout renseignement supplémentaire, allez sur le site d’Action et Démocratie Aix-Marseille où vous trouverez les documents susmentionnés ainsi que les coordonnées de contact académique et les liens pour vous syndiquer : https://actionetdemocratie-aixmarseille.fr/

Visitez aussi le site national d’Action et Démocratie, un syndicat neuf, une voix différente : https://actionetdemocratie.com/

Ensemble, nous pouvons faire changer les choses, rompre avec la morosité ambiante et retrouver le sens de nos métiers.

Votre serviteur,

Christophe MARTIAL

Président académique Aix-Marseille

Action & Démocratie CFE-CGC

Superbe succès pour Action & Démocratie auprès du conseil constitutionnel

Superbe succès pour Action & Démocratie, le Conseil constitutionnel s’est prononcé en notre faveur sur cette question prioritaire de constitutionnalité.

Publié le 10 août 2022 à 13:13

Décision n° 2022-1007 QPC du 5 août 2022

Syndicat national de l’enseignement action et démocratie [Assistance d’un fonctionnaire pour l’exercice d’un recours administratif].

Le Conseil constitutionnel a examiné le 5 août 2022 la question prioritaire de constitutionnalité n° 2022- 1007 que nous avons déposée en vue de déclarer contraire à la constitution l’article 14 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 qui réserve aux syndicats représentatifs l’assistance des agents à l’occasion des recours administratifs dirigés contre les décisions de mutation, de promotion et d’avancement.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. – Le mot « représentative » figurant à la première phrase de l’article 14 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, et à la première phrase de l’article L. 216-1 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique, est contraire à la Constitution.

Article 2. – La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 12 et 13 de cette décision.

Article 3. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Action & Démocratie se porte partie civile aux côtés de la famille de Samuel Paty

Action & Démocratie se porte partie civile aux côtés de la famille de Samuel Paty et dépose plainte contre l’Éducation nationale pour mise en danger d’autrui

Dans sa déclaration prononcée au Conseil supérieur de l’éducation devant le ministre de l’Éducation nationale, Monsieur Pap Ndiaye, le syndicat Action & Démocratie annonce qu’il se constitue partie civile aux côtés de la famille de Samuel Paty dans le procès que celle-ci intente aux ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale.

Le syndicat Action & Démocratie annonce également qu’il porte plainte contre l’Éducation nationale pour mise en danger d’autrui ainsi que pour plusieurs manquements de l’institution à ses plus élémentaires devoirs.

Par cette action, le syndicat Action & Démocratie souhaite d’abord que toute la lumière soit faite sur les circonstances qui ont exposé Samuel Paty à un grave danger, que toutes les responsabilités soient recherchées et établies de façon impartiale, le rapport de l’inspection qui a été remis au ministre Jean-Michel Blanquer comportant de nombreuses lacunes et un évident parti pris. Au-delà, le syndicat Action & Démocratie entend que soient décrits et analysés les mécanismes et les pratiques qui ont abouti à exposer Samuel Paty à un grave danger et qui sont hélas toujours à l’œuvre au sein de l’Éducation nationale, comme de nombreux exemples l’attesteront au cours du procès si cette plainte est acceptée.

Voici le texte de notre déclaration préalable prononcée le 20 juin 2022 au Conseil supérieur de l’éducation :

Monsieur le ministre,

Mesdames et messieurs,

Chers collègues,

S’il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante, qu’aurait dit Montesquieu, et plus encore Descartes, de ceux qui ont soumis l’éducation nationale au régime de leurs humeurs brouillonnes et inquiètes ?

Il fallut des siècles pour construire l’école, élaborer les savoirs académiques et les règles de leur transmission, constituer un corps de spécialistes chargé de l’enseignement et mettre ces derniers avec leurs élèves à l’abri du bruit et de la fureur qui emplissent fréquemment de leur insignifiance et de leur violence la grande scène du monde.

Il fallut encore quelques siècles pour donner à l’école sa forme républicaine, qui est incontestablement sa forme la plus aboutie, tant par sa finalité consistant à élever le niveau d’instruction du plus grand nombre, que par ses modalités permettant de lui délivrer des enseignements denses avec une rigueur et une efficacité que l’on n’évoque plus aujourd’hui qu’avec nostalgie, modalités dont cependant la plupart d’entre nous ici ont bénéficié, à commencer par vous, Monsieur le ministre.

Il fallut des siècles pour construire l’école mais il n’aura suffi que de quelques décennies pour la détruire et priver les nouvelles générations de cet héritage patiemment constitué pour elles !

Quelques décennies d’ivresse réformatrice inattentive à la nature des choses, à laquelle tous vos prédécesseurs prirent part, et certains plus que leur part. Le code de l’éducation porte, tels des stigmates, les traces de ces outrages successifs au bon sens éducatif, à commencer par la loi de 1989 qui donne au système scolaire pour objectif non plus, comme il se devait, de conduire chacun au plus haut niveau d’instruction auquel son mérite, son talent et le temps qu’il peut employer à l’étude lui permettent de parvenir, mais celui, totalement insensé et purement démagogique, de garantir à tous « la réussite ». Ce nouvel objectif, aussi improbable qu’indéterminé, étant posé et gravé dans le marbre de la loi, le reste ne pouvait que suivre : on se mit à réécrire les programmes tous les quatre matins, non pour y intégrer avec discernement et prudence le progrès des connaissances mais dans le but de « garantir à tous la réussite » ; on entreprit de modifier profondément les structures du système scolaire lors de chaque alternance car cela était censé « garantir à tous la réussite » ; on supprima le redoublement et l’on inventa la scolarité par cycles afin de « garantir à tous la réussite » ; on en vint à remplacer la leçon par des activités, à réduire l’horaire des apprentissages fondamentaux au profit d’innombrables heures de rien, à multiplier les dispositifs de remédiation à proportion qu’on donnait un caractère facultatif à tout ce qui était vraiment formateur, comme récemment les mathématiques au lycée, avec la certitude ou sous le fumeux prétexte de « garantir à tous la réussite ». La liste des absurdités engendrées par un objectif lui-même absurde parce que la réussite (et laquelle à vrai dire ?) ne peut être garantie, serait trop longue pour tenir dans les limites qui sont imposées à cette déclaration. Quand la finalité du système scolaire n’est plus d’instruire mais de « garantir à tous la réussite », tout est mis sens dessus dessous et, de l’école, il ne reste bientôt que le nom sans la chose.

Nous voici arrivés au terme de cette évolution. Malgré les efforts que déploie votre administration pour dissimuler le désastre aux yeux du public, nul n’ignore désormais que de nombreux bacheliers quittent l’école comme s’ils n’y avaient jamais mis les pieds, que le professorat n’attire plus les bons étudiants, que l’indiscipline et le désordre ont atteint un tel niveau dans certains établissements qu’on ne peut plus y enseigner quoi que ce soit, que l’évaluation du vide occupe tout le temps disponible et qu’ au sein d’une institution aussi défigurée, dans un contexte aussi dégradé, ceux qui continuent à vouloir défendre les conditions leur permettant de faire sérieusement leur travail sans se payer de mots, sans se gargariser de soi-disant projets et autres prétendues innovations, eh bien ceux-là sont montrés du doigt tels des curiosités et ne peuvent espérer aucune reconnaissance de l’institution.

Vous avez cependant le choix, Monsieur le ministre. Celui d’entreprendre avec courage l’indispensable reconstruction de notre système éducatif par des actes qui parleront d’eux-mêmes et n’auront nullement besoin du secours de la communication, ou celui de poursuivre une politique fondée sur le déni de la réalité et la dénégation de ce déni. Si, par exemple, au lieu de procéder scandaleusement à l’augmentation arbitraire des notes mises par les professeurs au baccalauréat sous couvert d’harmonisation, en usant pour ce faire d’un outil numérique dont la principale vertu est finalement de déposséder les enseignants concernés de leur travail, la DGESCO et tous ceux qui prennent leurs ordres auprès d’elle consentaient à lire vraiment les copies de nos élèves, et si bien entendu chacun d’eux n’avait pas mis sa progéniture à l’abri des méfaits de la désinstruction nationale dans quelque institution privée qui maintient les exigences inhérentes à toute éducation authentique, ils seraient effrayés et auraient honte, effrayés par le résultat de tant de réformes mal inspirées auxquels ils ont apporté leur concours, honte devant l’état de quasi illettrisme dans lequel certains de nos élèves ayant passé quinze ans sur les bancs de l’école parviennent néanmoins jusque dans l’enseignement supérieur.

Vous n’êtes ministre de l’Éducation nationale que depuis un mois, certes, et il serait évidemment stupide de vous imputer une quelconque responsabilité dans l’état présent de l’école, même si vous n’avez visiblement pas encore pris la juste mesure des choses en faisant l’éloge du bilan pourtant très contesté de votre prédécesseur. Vous avez pour vous un curriculum vitae qui inspire confiance et respect à tout homme cultivé, et qui suscite chez beaucoup d’entre nous l’espoir de voir enfin mise en œuvre une politique éducative digne de ce nom, à la hauteur des besoins devenus immenses, une politique soucieuse de remettre de la rigueur et du bon sens au sein de cette grande maison, une politique soucieuse de rendre à chacun sa place et ses prérogatives, une politique capable de faire renaître l’enthousiasme et la fierté chez tous ceux qui sont actuellement gagnés par la résignation, la morosité, le découragement. Mais force est de constater que, depuis votre nomination, vous n’avez pas encore envoyé le moindre signal d’espoir à ceux dont le travail quotidien maintient encore l’école debout, à « ceux du terrain » comme Genevoix parlait de « ceux de 14 » qui se contentent de faire leur devoir sans ajouter du bruit au bruit et font face aux conséquences catastrophiques des réformes conçues par d’autres qui ne sont que de passage, à ces psychologues de l’éducation nationale si injustement suspendus par exemple, à ces directeurs d’écoles et chefs d’établissement écrasés par des tâches inutiles qui les éloignent chaque jour davantage de leur mission première et enfin à ces professeurs censés vivre d’amour et d’eau fraîche pendant qu’ils prennent soin de leurs élèves et les préservent autant qu’ils peuvent, souvent seuls et parfois malgré votre administration, du préjugé qui règne dehors ainsi que des demandes contradictoires de la société, toutes choses dont la classe doit être protégée car c’est une condition sine qua non pour qu’un enseignement soit possible, comme nous en avertit le mot école lui-même, qui veut dire originellement loisir.

Samuel Paty était l’un de ces anonymes sans qui, en vérité, l’école n’est plus rien ; l’un de ces hussards que la République a tant sollicités quand elle en avait besoin et que l’on remplace désormais par le premier venu, recruté en trente minutes à coups de réclames vulgaires pour être remercié en cinq minutes à la première difficulté en attendant que Pronote diffuse directement, par capsules vidéo, un prêt-à-enseigner élaboré par la DGESCO afin d’encadrer le travail d’enseignants devenus de simples animateurs. Samuel Paty faisait son travail avec l’humilité et la discrétion qui siéent aux grands esprits, la passion et la rigueur d’un professeur au plein sens du terme, lequel est avant tout un intellectuel formé par des années d’études et dont les compétences disciplinaires sont constitutives non seulement de l’identité professionnelle mais aussi de l’identité personnelle. Il faisait son travail en se croyant suffisamment protégé à cette fin contre le bruit et la fureur qui se donnent libre cours en dehors de l’école, se croyant protégé par une institution et une hiérarchie dont il pensait comme nous que c’est le premier et au fond l’unique devoir. Or ce n’était pas le cas. Depuis des lustres, l’institution avait brouillé tous les repères, ne sachant plus mettre chacun à sa place au sein de la « communauté éducative ». L’autorité du professeur n’était plus qu’un souvenir ou un élément de langage auquel plus personne n’accordait la moindre importance. La satisfaction de l’usager était devenue l’alpha et l’oméga de toutes les politiques éducatives autant que des pratiques quotidiennes. L’on s’était accoutumé à contester la notation, la pédagogie, la personnalité ou l’enseignement des professeurs dès qu’ils déplaisaient, pour quelque motif que ce soit.

Monsieur le ministre, la responsabilité de l’Éducation nationale dans la mort de Samuel Paty est immense, proportionnelle aux efforts déployée par celle-ci pour la nier. Réduire son assassinat à un attentat dont il aurait été par malchance la victime est un odieux mensonge, qui ne trompe personne en tout cas au sein de la profession, l’arbre de l’islamisme radical ne pouvant suffire à lui dissimuler la forêt des innombrables lâchetés qui, au sein même de l’institution, ont exposé cet homme au plus grave danger, que ce soit intentionnellement ou non.

L’assassinat de Samuel Paty a profondément marqué la profession ainsi que la France tout entière, mais quelle leçon en a tiré l’Éducation nationale ? Quelle leçon en a tiré votre prédécesseur ainsi que le président de la République, une fois l’hommage rendu ? Quelle leçon en ont tiré tous ceux dont la mission et le principal devoir consistent justement à mettre les professeurs et leurs élèves à l’abri, à protéger les uns et les autres contre les passions qui se déchaînent pour un oui ou pour un non hors de l’enceinte scolaire, à défendre pour cela avec fermeté les premiers contre les rumeurs et toutes les formes que peut prendre la contestation de leur autorité, y compris la plus usuelle consistant à instruire leur procès en incompétence ou en insuffisance du haut de son titre de parent d’élève ? N’a-t-on pas vu encore dernièrement qu’une simple et pittoresque plainte concernant l’enseignement dispensé par un excellent professeur, tombée par hasard entre les mains de l’épouse du président de la République et transmise au recteur concerné pour suite à donner, avait suffi à faire dépêcher dans sa classe un inspecteur débordant de zèle, persuadé d’avoir à « recadrer » l’enseignant sur ordre de l’Élysée ? C’est exactement cela, Monsieur le ministre, dont Samuel Paty fut d’abord la victime avant que la rumeur, qui ne fut pas étouffée dans l’œuf comme elle devait l’être, ne finisse pas arriver aux oreilles d’un illuminé de l’arrière monde pour le pire.

Non, Monsieur le ministre, en dépit des mots que vous avez prononcés dès votre nomination pour évoquer la mort de Samuel Paty et lui rendre de nouveau hommage, l’Éducation nationale n’a encore tiré aucune véritable leçon de cette tragédie, allant même jusqu’à produire un rapport stupéfiant uniquement destiné à la mettre hors de cause au lieu transformer cette tragédie en occasion historique, celle qui aurait remis l’institution sur les rails du bon sens éducatif, celle qui aurait permis de dire qu’il y avait désormais un « après Samuel Paty », lequel serait très différent de l’avant.

Chaque jour, notre syndicat prend en charge la détresse de professeurs mis hors d’état d’exercer leur métier à la suite de rumeurs malveillantes et ignorantes, comme elles le sont toutes, rumeurs que votre administration laisse cependant trop souvent se répandre par faiblesse ou incompétence, quand elle ne s’empresse pas de leur donner crédit en appliquant envers ses agents le principe de la présomption de culpabilité par lequel, soit dit en passant, l’Éducation nationale se comporte au sein de l’État de droit comme un empire dans un empire.

Nous ne l’acceptons pas.

Et nous n’acceptons pas davantage que la mort de l’un des nôtres, une fois l’émotion retombée, n’ait toujours pas déclenché une réflexion et une profonde remise en question à tous les niveaux, surtout aux plus hauts.

Les mécanismes ainsi que les pratiques qui ont exposé Samuel Paty à la mort n’ont pas encore été correctement décrits ni analysés. Ils sont, notamment pour cette raison, toujours à l’œuvre au sein de l’institution, même si, dans la plupart des cas, ils ne conduisent pas à une issue aussi épouvantable. C’est pourquoi, Monsieur le ministre, mesdames et messieurs, chers collègues, la CFE-CGC vous annonce avec gravité ce 20 juin 2022 que son syndicat de l’éducation, Action & Démocratie, non seulement se porte partie civile aux côtés de la famille de Samuel Paty mais dépose également plainte contre l’Éducation nationale pour mise en danger d’autrui et manquement à ses plus élémentaires devoirs. Le chantier de la reconstruction de l’école est ouvert. Ce procès y contribuera.

Nous sommes également responsables !

Le constat est quasiment le même partout : de plus en plus d’élèves sont en
difficulté, voire en très grande difficulté, ne maîtrisant pas les bases qui leur
permettraient de suivre les cours dans de bonnes conditions ; quasiment tous les
enseignants déplorent le manque de travail à la maison de leurs élèves et les
lacunes qui, forcément, s’accumulent année après année. Le niveau de certains est si
faible qu’ils ne comprennent même plus une consigne simple ou un texte, si on peut
toutefois considérer qu’ils savent lire, alors qu’ils buttent sur un mot sur trois. Le
récent rapport de l’Inspection générale de l’éducation, organe dépendant du
ministère de l’EN, publié le 27 mai, établit qu’environ un jeune sur dix éprouve de
fortes difficultés en lecture et que 5 % des jeunes de seize ans peuvent être
considérés comme illettrés ! Il suffit pour bien mesurer l’ampleur du problème de
lire quelques copies de Brevet ou de Bac, où les fautes de grammaire, de syntaxe et
de logique sont souvent si nombreuses qu’on ne comprend même plus ce que l’élève
a voulu dire.
Les évaluations internationales ne cessent également de pointer du doigt la faiblesse
de nos élèves, tant au niveau du français que des mathématiques et des sciences, ce
qui est cohérent par rapport à ce que les enseignants constatent chaque jour dans
leurs classes. Et pourtant, les résultats au Brevet des collèges et au Baccalauréat
atteignent des scores jamais égalés. Comment est-ce possible ? Eh bien, en
remontant artificiellement les notes obtenues par les candidats, afin de cacher le
désastre. C’est ce qui est en train de se passer pour les copies du Bac 2022.
L’Éducation Nationale ne s’est-elle pas peu à peu perdue dans le pédagogisme,
l’idéologie, la démagogie et le pas de vague, jusqu’à en oublier ses fondamentaux ?
➢ Le pédagogisme, qui a pourtant fait trop souvent la preuve de son inefficacité,
pour ne pas dire de sa nocivité. Il suffit, pour ne citer qu’un exemple, de se
rappeler de la méthode globale, qui avait été imposée aux enseignants de
primaire, dont bon nombre avaient compris, dès le début, les effets délétères
que celle-ci ne manquerait pas d’avoir et qu’elle a eus. On pourrait également
longuement épiloguer sur la classe inversée ou les travaux de groupe, où tout
le monde a la même note (parfois même lorsque l’élève est absent)…
L’institution ne sait désormais qu’imposer des façons de faire et des
programmes, mais n’écoute plus ses enseignants qui sont pourtant des

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spécialistes, dont le savoir et le savoir-faire mériteraient d’être reconnus à
leur juste valeur.
➢ L’idéologie, jusqu’à en oublier la mission première de l’école, à savoir
permettre à chaque élève de développer au mieux ses capacités, par le travail,
le mérite et l’effort, pour trouver sa place dans la société et devenir un(e)
citoyen(ne) responsable. Aujourd’hui, on nous abreuve de formules toutes
faites comme « l’école de la confiance et de la réussite », alors que nous n’en
avons jamais été aussi éloignés. Il ne suffit pas de décréter quelque chose,
pour que ce soit de fait une réalité. Nous assistons à un appauvrissement
inquiétant du vocabulaire, de la culture et du niveau de connaissance de
nombre de jeunes. Les écarts ne cessent de se creuser, au grand désespoir des
enseignants. Un rapport de L’Inspection générale de l’éducation, datant du 16
mai, dénonce le creusement des inégalités et les écarts abyssaux de niveau des
CM1-CM2, d’un département à un autre, voire d’un établissement à un autre.
Mais, où est donc passée l’égalité des chances ? L’école ne joue t-elle plus son
rôle d’ascenseur social, comme elle le faisait jadis ? Comme le dit René Chiche,
professeur de philosophie de l’académie d’Aix-Marseille, dans son livre paru en
2019, nous sommes face à une véritable « désinstruction nationale » et
l’institution ne veut manifestement pas en prendre la mesure.
➢ La démagogie qui, d’après le dictionnaire, est une politique qui consiste à
flatter l’égo d’une personne, dans le but d’obtenir son adhésion et qui n’est en
fait rien d’autre qu’un mensonge. C’est pourtant bien ce qu’on nous demande
de faire et qu’hélas, de plus en plus de nos collègues font, parfois même sans
s’en rendre compte. C’est en apparence plus simple ; lorsque les élèves
obtiennent de bonnes notes, même s’ils n’ont pas fait grand-chose pour les
mériter, cela évite d’avoir des reproches de la part des parents ou de la
direction lors des conseils de classe. Mais il serait naïf de croire que tout le
monde est dupe, bien au contraire. Ceux qui n’ont pas cédé aux sirènes de la
démagogie et qui ont continué à enseigner avec exigence et bienveillance, qui
sont les deux faces d’une même pièce, le savent bien. Ce sont souvent ceux-là
qui gagnent le respect de leurs élèves et qui maîtrisent le mieux leurs classes,
ce sont ceux-là en qui les parents, conscients de l’importance de l’école pour
l’avenir de leurs enfants, placent toute leur confiance. Il y a déjà pas mal
d’années, pour encore mieux cacher la réalité, on nous a sorti du chapeau les
compétences, soi-disant plus motivantes et moins stigmatisantes. Depuis le
temps que nous les pratiquons, le niveau des élèves n’a pourtant pas amorcé
le moindre redressement. Ne seraient-elles donc pas efficaces ?
➢ Le « pas de vague », qui consiste à donner plus facilement raison aux parents,
voire aux élèves, qu’aux enseignants, même si cela les discrédite, qui consiste
à mettre la poussière sous le tapis, dès qu’un problème ou un incident
pourrait provoquer quelque agitation dans les médias. Les exemples seraient
tellement nombreux que nous ne nous attarderons pas sur ce sujet pour le
moment. Mais, ce « pas de vague », sur des sujets aussi sensibles que la
laïcité ou les incivilités a un effet des plus délétères et ne fait qu’affaiblir peu

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à peu les enseignants et l’Éducation Nationale elle-même. Nous nous
éloignons de plus en plus du « sanctuaire » que cette dernière fut jadis.
Face à ce constat si préoccupant qui démotive et désespère tant de nos collègues,
que fait donc notre institution ?
Les classes sont de plus en plus surchargées, mettant les enseignants dans
l’impossibilité d’aider efficacement les plus fragiles, l’absentéisme de certains jeunes
est de plus en plus criant, mais il ne se passe pas grand-chose pour les faire revenir,
les élèves passent inexorablement dans la classe supérieure, même si tout le monde
sait qu’ils ne pourront pas suivre l’année suivante… Certains se battent contre cet
état de fait, mais on ne les écoute plus. Ils s’entendent souvent répondre que de toute
manière, il n’y a pas d’autre choix et que c’est aux enseignants d’adapter leurs
enseignements, au nom de la sacro-sainte différenciation pédagogique ! Pour
couronner le tout, au nom de la non moins sacro-sainte inclusion, on nous rajoute
de-ci de-là des élèves aux profils complexes, sans que nous ayons vraiment les
moyens de leur apporter l’attention dont ils ont légitimement besoin.
Nous autres enseignants ne devons pas perdre de vue que les élèves ne savent pas,
qu’ils n’ont pas conscience, sans l’éclairage des adultes, des conséquences que
peuvent avoir à terme leurs manquements. Ils ont besoin d’être instruits, guidés,
éclairés, conseillés. C’est notre rôle !
Au lieu de cela, ils ont face à eux un système qui ne présente plus ni risque, ni enjeu
visibles. Quel que soit leur manque de travail, d’investissement et de motivation, ils
passent dans la classe supérieure et ils l’ont très bien compris. Quel que soit leur
niveau, arrivés en fin de troisième, ils peuvent demander à aller en seconde générale,
les professeurs n’étant plus autorisés qu’à formuler un avis. Et le pire, dans tout cela,
c’est que les premières victimes de ce système sont justement ceux que les
démagogues prétendent aider, à savoir les plus fragiles, ceux qui n’ont pas la chance
d’avoir des parents derrière eux pour les aider, leur offrir des cours particuliers si
nécessaire, les recadrer lorsqu’ils ne font pas leur travail correctement, autrement dit
ceux qui n’ont pas la chance d’avoir des parents susceptibles de pallier les
insuffisances et mensonges de l’Éducation Nationale ! Les jeunes ont besoin de
limites et d’enjeux, sans quoi, ils avancent en aveugles, sont perdus et ne trouvent
plus ni la motivation, ni l’intérêt de l’effort et du travail.
Nous leur devons la vérité. C’est notre devoir ! Même si ce n’est pas toujours facile à
entendre, même si surmonter des difficultés demande des efforts sur le long terme,
nous avons le même devoir de vérité qu’un médecin vis-à-vis de ses patients. Celui
qui sauve la vie d’une personne gravement malade n’est jamais celui qui lui ment.
La démagogie n’est qu’un mensonge et ce qu’on ose appeler « bienveillance » est en
fait souvent de la malveillance à long terme. Il suffit pour s’en convaincre de regarder
le nombre d’élèves qui échouent au-delà du Bac (plus de la moitié, un record
européen !). La vraie bienveillance consiste à aider nos élèves à surmonter leurs

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difficultés, une fois celles-ci identifiées, en les conseillant, en les encourageant, mais
nous ne pourrons jamais travailler et faire les efforts nécessaires à leur place.
Alors, soyons tous acteurs de la réussite de nos élèves et n’oublions jamais que nous
avons notre part de responsabilité dans ce qu’ils deviendront demain ! Il nous
appartient de dire non à la démagogie, au nivellement par le bas, au renoncement.
Il nous appartient de garder le cap de l’exigence, de l’effort et du mérite. Ne
participons plus au mensonge ! Nos élèves ont droit à la vérité, pour garder toutes
les chances de réussir.
Si nous ne le faisons pas, à force de faire croire aux jeunes qu’ils ont un niveau qu’ils
n’ont en fait absolument pas, on assistera de plus en plus à des scènes aussi ridicules
et inquiétantes que celles que nous avons vues récemment, lors du bac de français,
où des élèves, qui n’avaient pas compris le texte de Sylvie Germain, pourtant pas bien
compliqué, s’en sont pris vertement à l’auteur, sur les réseaux sociaux, avec une
violence inouïe ! Demain, lorsqu’ils échoueront, puisqu’ils n’auront jamais appris à
surmonter des obstacles, puisque la frustration ne fera pas partie de leur logiciel,
puisqu’ils ne pourront pas admettre avoir un niveau de français digne d’un élève de
sixième, ils s’en prendront à leurs enseignants, qui seront des coupables tous
désignés. A méditer…

Texte initial A&D Dijon

Notre ministre s’exprime enfin !

 

Nommé à la tête de notre ministère, il y a déjà plus d’un mois, Pap Ndiaye sort enfin de sa
réserve. A part de nombreux hochements de tête, pour montrer son approbation à tout ce
que le Président de la République disait, lors de son déplacement à Marseille, et une
déclaration aux allures d’évitement, sur le problème des tenues « culturelles » au sein de
l’école laïque, nous n’avions jusqu’ici eu que peu de pistes sur la politique que notre ministre
comptait mener. Nous y voyons maintenant un peu plus clair, même si nous aurions
préféré qu’il commençât par écrire aux enseignants (chose qu’il vient de faire ce 28 juin),
plutôt que de se confier longuement au Parisien (le 25 juin), qui décidément semble être
devenu un organe d’information récurrent de notre administration (cf. les annonces du
ministre Blanquer pour les protocoles, durant la crise sanitaire).
Mais que nous dit exactement M. Ndiaye ?
Tout d’abord, dans l’interview au Parisien, Pap Ndiaye insiste sur les « éléments de
continuité » avec son prédécesseur, aussi bien en ce qui concerne Parcoursup, qui laisse
pourtant des milliers de bacheliers sur le carreau chaque année, qu’en ce qui concerne la
réforme du lycée, qui a tellement bien fonctionné, qu’il a déjà fallu la réviser à plusieurs
reprises (abandon des E3C, retour des mathématiques dans le tronc commun de première,
après les en avoir retirées, etc.). Ce n’est pas forcément ce qui va le plus rassurer les
enseignants de lycée, très touchés par cette réforme faite à la va vite, sans concertation, et
qui n’avait manifestement pas d’autres buts que d’économiser des postes dans des matières
en souffrance et de permettre à encore plus d’élèves d’obtenir le baccalauréat, grâce à un
poids accru du contrôle continu.
Dans ce même interview, le ministre de l’Education Nationale parle ensuite de trois sujets
qui le préoccupent plus particulièrement : la lutte contre les inégalités (« l’école de la
République se débrouille très mal avec les enfants défavorisés ; cette situation n’est pas
acceptable »), « le bien-être des élèves et des équipes éducatives » et l’écologie. Même si
ces sujets sont évidemment très importants, les enseignants auraient sans doute mis en
tout premier la faiblesse du niveau et la non-maîtrise des bases fondamentales de plus en
plus d’élèves, que toutes les études, françaises et internationales, ne cessent de pointer du
doigt.

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Fort heureusement, dans sa lettre « aux professeures et professeurs », le ministre précise
les choses. Il insiste tout d’abord sur le fait que l’ « enseignement est tourné vers les
connaissances » (depuis le temps que nous le martelons, ça fait plaisir à lire), « vers l’estime
de soi et des autres ». Il poursuit en précisant que notre tâche est d’autant plus importante
que nous parlons à des jeunes qui sont « à l’âge où l’on cherche des repères, des
convictions ». C’est bien pour cela qu’il est fondamental, comme nous le disons si souvent,
de restaurer l’autorité des enseignants, pour que nos élèves apprennent à respecter les
règles et à appréhender les limites de ce qui est acceptable ou non. L’enjeu n’est rien moins
que le comportement en société des citoyens et citoyennes de demain, qui passe par le
respect d’autrui et l’acceptation que personne n’est le centre du monde.
Un peu plus loin, M. Ndiaye parle de notre « mission décisive » qui a pour but d’ «élever un
abri contre les préjugés de toutes sortes » et d’« enrayer les replis, qui sont consolateurs
en apparence, dévastateurs en réalité ». Si on veut être optimiste, on pourrait voir là une
volonté de sanctuariser à nouveau l’école, pour qu’elle permette à chaque jeune de
s’épanouir, loin des replis communautaires ou culturels, dans le respect non négociable
des valeurs de la République.
Le ministre de l’Education nationale expose ensuite, dans cette même lettre, les grandes
orientations de la politique qu’il entend mener, en quatre « axes » :
→ « Le premier axe est celui de la lutte contre les inégalités sociales […]. Nous savons que
l’Ecole peine à donner à tous les mêmes chances de réussir. Cette promesse non tenue […]
nous meurtrit, parce que nous sommes dans ce métier pour donner la possibilité à chaque
jeune de s’épanouir ». Et effectivement, les enseignants souffrent de ne pouvoir aider
efficacement leurs élèves et notamment les plus fragiles, dans des classes de plus en plus
surchargées, avec une hétérogénéité qui n’a cessé de s’accentuer. Le chantier, sur ce sujet,
est gigantesque et il est nécessaire pour cela de changer totalement de logiciel. Il faut
mettre fin à la démagogie et remettre en avant le goût de l’effort, le travail et le mérite,
qui devraient être les maîtres mots de chaque enseignant, car ce sont ceux qui mènent nos
élèves sur le chemin de la réussite. Certes, ce ne sera pas facile pour tout le monde et
alors ? Le but de l’école est d’offrir à chaque enfant l’égalité des chances, pour qu’il trouve la
place qui lui convient le mieux, dans la société des adultes ; pas la « réussite » à tout prix,
pour ne pas dire au rabais. Mentir aux élèves, ce que, hélas, on nous demande de faire
depuis des années, ne fait qu’affaiblir les plus fragiles, qui ont besoin de travailler pour
surmonter, avec l’aide de leurs professeurs, les obstacles qu’ils ont devant eux.
→ « Le deuxième axe est l’accent mis sur les savoirs fondamentaux […], savoirs nécessaires
pour aller vers le monde ». C’est une évidence pour tout le monde, mais encore faut-il
donner les moyens aux enseignants de permettre à tous les enfants d’acquérir ces derniers.
Et ce n’est certainement pas en réduisant les moyens, en augmentant les effectifs par
classe, en faisant passer les élèves dans le niveau supérieur sans se poser de question et
sans rien leur proposer d’autre, que nous atteindrons cet objectif. Le collège unique n’a
abouti qu’à un nivellement par le bas et n’a fait qu’accentuer les inégalités contre lesquelles
il prétendait lutter. Peut-être serait-il temps de repenser le système ?

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M. Ndiaye explique ensuite qu’il a « décidé, dès cette rentrée, d’introduire les
mathématiques dans le tronc commun, en classe de première générale, pour donner à tous
les élèves un socle commun de connaissances et de compétences en mathématiques, utiles
à leur vie sociale et professionnelle ». Tout d’abord, rendons à César ce qui lui appartient,
car cette décision avait déjà été prise du temps de son prédécesseur, pour rectifier une
erreur invraisemblable, au XXI° siècle, alors que les mathématiques sont nécessaires dans un
nombre grandissant de formations et de métiers. Il n’est donc pas question, ici, d’introduire,
mais plutôt de réintroduire.
→ « Le troisième axe est le bien-être des élèves […], qui n’est pas antithétique de l’effort et
du travail ». Voilà une phrase qu’il faudrait graver dans le marbre avant que les deux
derniers mots ne disparaissent, pour ne laisser que la notion de bien-être. L’Ecole n’est pas
un centre aéré. Tout ce qu’on y fait ne peut pas être uniquement ludique et agréable.
Réfléchir, se creuser la tête, penser, construire un savoir, rédiger correctement un texte,
tout cela ne peut se faire que par l’effort et le travail. Les apprentissages ne peuvent pas se
faire uniquement à l’école. Pour être exploitables et comprises, les connaissances et les
notions abordées en classe se doivent d’être retravaillées à la maison, or cela n’est plus du
tout d’actualité, dans bien des familles, ce qui contribue à accentuer les inégalités. La tâche
est donc immense.
Le ministre insiste sur le fait qu’il sera « très attentif aux élèves en situation de handicap »
et se dit désireux d’ «améliorer le statut de nos personnels qui au quotidien les
accompagnent et dont le temps de travail partiel est trop souvent subi ». On ne peut
qu’être d’accord, mais après les mots, il faut des actes. Nombre d’élèves en situation de
handicap sont en souffrance, dans des classes surchargées, parce qu’ils ne bénéficient pas
d’un accompagnement digne de ce nom. Le saupoudrage, que l’on observe trop souvent,
permet au ministère de dire que chaque élève à besoins particuliers bénéficie d’une aide,
mais la réalité de terrain est bien différente. Nous avons tous vécu des situations
compliquées, avec des élèves qui ne pouvaient pas se débrouiller seuls et qui pourtant
n’avaient droit à un(e) AESH (et pas toujours la même personne en plus) qu’une heure par-ci
par-là. Ce scandale doit cesser. On n’a pas le droit de mentir à ces élèves et à leurs familles !
Quant à nos collègues AESH, qui font souvent un travail remarquable, il est grand temps de
reconnaître leur investissement, de les payer dignement et de leur donner un vrai statut
qui les protège, en les titularisant !
M. Ndiaye reconnaît par ailleurs que pour permettre à tous nos élèves de s’épanouir, il est
indispensable de « bannir les actes et les paroles de discrimination, de haine raciste,
antisémite, de violence sexiste ou sexuelle ». Et effectivement, l’école doit être un lieu
« sans acte d’intimidation, un lieu laïque ». Il est donc plus que temps de prendre à bras le
corps les problèmes d’incivilités, de prosélytisme, d’atteinte à la laïcité, qui perturbent de
plus en plus le fonctionnement de notre école et d’affirmer haut et fort, sans faillir et avec
fermeté, que les valeurs de la République s’imposent à tous et qu’elles ne sont pas
négociables ! Nous ne demandons qu’à voir, mais il va falloir commencer par mettre fin au
« pas de vague », qui a tellement abîmé la confiance que les enseignants ont en leur propre
hiérarchie, en leur propre institution ; il va falloir réaffirmer l’autorité des professeurs et de

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tous les adultes de nos établissements, pour enfin protéger les plus fragiles de nos élèves,
contre les comportements nocifs et destructeurs de quelques uns. La politique de l’excuse
doit laisser la place à celle de la responsabilité.
→ « Le quatrième axe est l’écologie ». C’est évidemment un sujet éminemment important,
qui est déjà dans les programmes de plusieurs matières et dans différents niveaux. Mais, il
ne faut pas se contenter des programmes. Avant de donner des leçons, l’Education
Nationale devrait commencer par donner l’exemple. Les bâtiments scolaires sont souvent
mal équipés pour résister aux vagues de chaleur et certains sont de véritables passoires
thermiques, l’hiver. Là aussi, le chantier est immense…
M. Ndiaye poursuit sa lettre aux enseignants en affirmant que « Rien ne se fera sans les
professeurs ». Nous ne demandons qu’à voir, mais ce n’est pas du tout ce à quoi nous a
habitués l’Education Nationale, ces dernières années, bien au contraire. On n’a cessé de
nous imposer des réformes que nous savions infaisables ou inutiles, qu’il a d’ailleurs ensuite
fallu abandonner ou abroger. Depuis déjà longtemps, on ne nous écoute plus, on ne tient
plus compte de notre connaissance fine du terrain. Nous ne demandons pas mieux que le
ministre de L’Education Nationale fasse enfin confiance à ses enseignants, à leur expertise,
à leur capacité d’adaptation, à leur inventivité, mais il faut aussi qu’il leur donne les
moyens de faire ce qu’ils savent faire. Travailler en groupe avec près ou plus de trente
élèves, dans des classes souvent trop petites pour accueillir convenablement de tels
effectifs, ce n’est pas possible ! Faire du numérique, avec des ordinateurs d’une autre
génération, qui mettent un temps fou à charger le moindre fichier (ce qui est le vécu de
nombre de collègues, qui finissent par renoncer), ça ne fonctionne pas !
« La baisse continue, depuis plusieurs années, de l’attractivité des concours de recrutement
est un signal d’alarme, la preuve d’une crise qui concerne les conditions de travail, la
représentation sociale du métier », affirme M. Ndiaye. C’est en fait bien plus qu’un signal
d’alarme, car cette crise de recrutement s’accompagne d’une augmentation plus
qu’inquiétante de démissions. Le bateau coule, car les marins quittent le navire, à cause de
conditions de travail qui leur sont devenues insupportables. Le ministre dit vouloir prendre
le problème à bras le corps et nous voulons bien le croire, mais il faut faire très vite et ce
n’est certainement pas les « job dating » qui se multiplient un peu partout, qui apporteront
une solution viable !
La rémunération est effectivement un vrai problème. A force d’avoir gelé le point d’indice,
pendant tant et tant d’années, le pouvoir d’achat des personnels de l’Education Nationale
(et il n’y a pas là que les professeurs) s’est effondré. Alors, oui, il faut augmenter la
rémunération des enseignants, de tous les enseignants et pas seulement des plus jeunes.
D’après les propos du ministre, dans son interview au Parisien, il est prévu une double
rémunération : « La première sera non conditionnée et s’appliquera à tous les enseignants,
ce qui implique de passer le salaire de départ des jeunes au-dessus de 2000 euros nets, en
2023 ». Mais, qu’en est-il des enseignants en milieu ou en fin de carrière ? Auront-ils droit,
eux aussi à une augmentation substantielle largement méritée, ou devront-ils se contenter
du second mode de revalorisation, à savoir celui qui sera « conditionné à des tâches

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nouvelles » ? Cette seconde partie, qui semble vouloir dire que pour gagner plus, il va
falloir travailler plus, ne tient absolument pas compte de la fatigue, pour ne pas dire de
l’épuisement, de plus en plus d’enseignants, qui ne trouvent même plus le temps de se
consacrer correctement à leur famille, tant leur métier est devenu lourd et envahissant, à
cause de tâches qui n’ont cessé de se multiplier. Sur ce sujet, nul doute que les syndicats,
avec lesquels le ministre dit vouloir renouer le dialogue, ne seront pas d’accord. Les salaires
doivent être augmentés sans condition, et les 3,5% d’augmentation du point d’indice des
fonctionnaires annoncés sous peu ne suffiront pas à combler des années de dégringolade
de notre pouvoir d’achat, et donc de fragilisation de notre niveau de vie !
Un autre point, qui n’est en rien acceptable, est celui des remplacements. « Nous voulons
faire en sorte qu’une absence du professeur d’histoire-géographie, par exemple, soit
compensée par son collègue, disons, de français. Mais attention, pas pour que le
professeur de français fasse de l’histoire-géographie ! Il utilisera ces heures pour faire une
double dose de français et, quand le collègue d’histoire géo reviendra, il compensera en
prenant sur les heures de français », a expliqué M. Ndiaye, dans le Parisien. Tout d’abord,
c’est méconnaître la complexité des emplois du temps, qui ne permettront
qu’occasionnellement de telles correspondances (à double sens de surcroît), surtout en
lycée avec les multiples groupes occasionnés par la réforme Blanquer. M. Ndiaye semble
ignorer que les professeurs n’ont pas qu’une seule classe et qu’ils ont cours avec d’autres

élèves, pendant les absences de leurs collègues ! Par ailleurs, depuis quand demande-t-
on, en France, à quelqu’un de malade, quel que soit son métier, de rattraper ses heures ?

C’est inacceptable et contraire au droit du travail. Il faudra rapidement revenir sur cet
impair.
Parmi les autres thèmes abordés, dans son interview fleuve, M. Ndiaye parle également des
« temps de formation, qui sont une raison des absences devant la classe » et envisage de
les mettre le mercredi après-midi !! Apparemment, il semble échapper au ministre que ce
temps est très souvent utilisé pour préparer les cours et corriger les copies, voire pour
profiter un tant soit peu (lorsque c’est possible) de nos vies de famille. Ce métier accapare
déjà bien des soirées et bien des week-ends à nombre d’enseignants, en rajouter n’est sans
doute pas de nature à leur redonner le sourire et l’envie. A force de tirer sur une corde, elle
finit par céder…
Concernant l’épineux problème des tenues religieuses à l’école, M. Ndiaye a concédé que
le phénomène est en augmentation. Il a rappelé que ces tenues sont proscrites dans la loi
de 2004 sur les signes religieux ostensibles et que s’il est avéré qu’un élève est dans une
démarche religieuse, en vertu de cette loi, cela peut aller jusqu’au conseil de discipline.
M. Ndiaye dit vouloir renouer le dialogue avec les organisations syndicales. Nous ne
demandons pas mieux, mais demandons à voir. Si c’est juste pour nous annoncer ce qui a
déjà été décidé en amont, comme le faisait son prédécesseur, cela ne sert à rien. Si, en
revanche, c’est pour écouter les propositions, débattre et essayer de faire avancer les choses
dans le bon sens, alors nous nous tiendrons à sa disposition…

 

Texte repris d’A&D Dijon